Principes d'éducation

L'Enfant - Roi, un enfant en souffrance

L'Enfant - Roi, un enfant en souffrance

« Accueillir un enfant-roi obligera l'assistante maternelle à lui poser un cadre, mais aussi à accompagner ses parents en perte de repères et à les soutenir dans l'exercice de leur parentalité ».

Un enfant narcissique qui ne s'aime pas

           Qui n'a pas rencontré dans la rue ou chez des amis ou dans un établissement quelconque un enfant tyran ? Un enfant dont on dit qu'il est mal élevé ? Quelle assistante maternelle ne sera pas confrontée un jour ou l'autre à un enfant-roi que l'on repère à ses comportements asociaux, qui déstabilise ses parents et aussi la société ?

Qu'il soit fille ou garçon, cet enfant-roi a toujours du mal à admettre les frustrations que sa famille tente de lui donner. Il manipule les personnes sans se soucier de créer des liens avec les autres, puisque seule sa personne est au cœur de ses préoccupations.

C'est un enfant narcissique qui ne s'aime pas et qui exige n'importe quoi, puisque lui n'a pas trouvé sa place au sein des siens. Dominant, ses désirs deviennent pour les parents des besoins qu'ils ont à cœur d'assouvir. Ces parents culpabilisent de ne pas pouvoir réaliser les demandes incessantes et tortionnaires de leur progéniture. Tout est admis pour lui, aussi bien affectivement que matériellement.

N'ayant pas de limites, l'enfant est en grande souffrance.


Être parent aujourd'hui

Etre parent aujourd'hui

Que penser alors des parents ? Ils ne sont pas tous démissionnaires, mais leurs repères sont brouillés et la permissivité est devenue un ingrédient majeur pour se croire être de "bons parents". Ils n'arrivent pas ou plus à gérer l'équilibre entre autorisations et frustrations pour montrer à leur enfant que "l'autre" existe.

Ce comportement des parents modernes peut s'expliquer en partie par l'attitude particulière que l'on porte à l'enfant depuis les années 1968-1970. L'enfant est une personne et l'éducation ne se résume plus à éduquer un enfant, mais à l'élever dans un cadre plus bienveillant et respectueux.

Plusieurs textes, nationaux et internationaux, consacrent les évolutions éducatives de la famille qui, jusqu'alors, s'appliquait à éduquer peut-être trop sévèrement les enfants.

Citons en particulier la loi du 4 juin 1970 qui remplace la "puissance paternelle" par l'"autorité parentale", celle du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, ou encore la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

L'apport de la contraception a permis aux futurs parents de fantasmer des enfants désirés, qui sont accueillis à présent comme des individus à part entière.

En 2010, le taux de fécondité est de 2,01 enfants par femme contre 3,37 en 1962, avec un taux de mortalité de 3,3 pour 1 000 en 2010 et 25,70 en 1962. L'âge des femmes à la naissance de leur premier enfant était de 22 ans en 1960, contre 29 ans désormais. Ces chiffres contribuent à expliquer l'implication différente des parents dans leur rôle éducatif. L'enfant est attendu avec des projections sur lui sûrement beaucoup plus importantes qu'auparavant.

L'avancée des publications psychologiques vulgarisées apportent un véritable questionnement sur la place de l'enfant et l'impact de l'éducation sur son avenir. Le rôle de la parentalité est quelquefois mal interprété, les parents sont perdus dans leurs positionnements et n'osent pas poser de limites pour éviter le fameux " traumatisme".


Des parents malheureux

Des parents malheureux

Que peut alors proposer l'assistante maternelle lorsqu'elle rencontre une famille "enfant-roi" ?

Ces parents se repèrent dès le premier entretien, car la famille rejette rapidement les règles établies par la professionnelle soucieuse de structurer la vie de l'enfant avec des repères de temps. Elle remarque que ce parent, encore plus qu'un autre, est en difficulté pour se séparer de son bambin. Le moment d'adaptation est discuté dans la structuration du temps. Elle constate une envie d'éducation laxiste avec un "tout à la demande" confondant les besoins de l'enfant et ses désirs de tout contrôler. Le cadre rend les parents malheureux, car ce sont des parents perdus eux-mêmes dans leurs propres limites. L'assistante maternelle ressent une forte souffrance de la famille, ce qui peut la rendre plus compréhensive ou non pour avancer avec eux à petits pas. Ce n'est pas l'enfant qui est à prendre en charge, mais bien les parents, car ils confondent autorité et autoritarisme.


Poser un cadre

L'enfant-tyran

Les parents ont besoin d'être aimés. Savoir que leur enfant sera un peu cadré par une personne extérieure les rend malheureux. Le fait de se séparer de leur enfant accentue le sentiment d'être de mauvais parents. Il y aura sûrement peu de difficultés avec cet enfant qui ressentira de grands bénéfices dans le rôle équilibrant et sécurisant de l'assistante maternelle.

Néanmoins, en début d'accueil, l'enfant peut percevoir les comportements ambivalents entre ses deux lieux de vie. Il fera rapidement la différence et "profitera" de ces divergences pour expérimenter un nouveau mode éducatif.

Peut-on considérer alors que le comportement de ces parents est un peu immature ? Quelles sont les différentes manifestations possibles de ce système éducatif chez l'enfant?


Un enfant qui ne s'aime pas

Un enfant qui ne s'aime pas

Des difficultés telles que l'hyperactivité peuvent apparaître, car l'enfant ressent un vide intérieur et bouillonne en permanence de ne pas avoir de limites, cela pouvant aller même jusqu'à un comportement très agité. Ce regain d'énergie constant le fatigue et l'inquiète. Être dans le flou continuellement et céder à ses désirs immédiats ne lui donnent pas la possibilité de s'aimer et de désirer des choses en s'offrant l'envie d'y arriver. L'enfant-roi exige n'importe quoi au détriment de toute réalité, piégeant ses parents pour en faire ses souffre-douleur, mais en apparence seulement, car en réalité, l'enfant est victime d'une éducation défaillante sous l'emprise d'un adulte en perte de repères.


Le refus de toutes contraintes

L'enfant n'est pas un adulte en miniature

Peut-on alors parler de maltraitance à l'égard de l'enfant ?

On peut suivre cet axe de réflexion en comprenant, dans un premier temps, que l'enfant n'est pas un adulte en miniature. C'est aussi dans les conflits et les tensions que l'enfant apprend. Le considérer trop tôt comme un "grand" développe chez lui un esprit de compétition avec ses parents qui ne lui permet pas de se confronter à eux.

Certaines décisions ne sont réellement pas de son ressort et lui demander son avis sur tout peut le plonger dans un sentiment d'échec et d'insécurité engendrant cris, colère et parfois même violence que l'on retrouve à l'école.

Les enseignants connaissent ces enfants qu'ils considèrent souvent comme "précoces" avec des déséquilibres affectifs si importants qu'ils monopolisent toute une équipe éducative pour les comprendre. Le jeune refuse tout rapport hiérarchique avec les instituteurs, car il les ressent comme de l'humiliation, alors qu'il doit se plier aux contraintes de l'apprentissage scolaire. Il en est malheureux et il échafaude des stratégies violentes pour essayer de se faire remarquer aux yeux de ses camarades. C'est un enfant narcissique qui a du mal à entretenir des relations privilégiées avec ses camarades et à s'intégrer dans le groupe. On le remarque souvent seul dans une cour d'école prétextant qu'on ne l'aime pas. Égocentrique, il piétine la vie des autres et est rejeté par ses copains éventuels. La vie en collectivité devient rapidement un enfer pour ces enfants qui mettent en place des manifestations d'évitement et présentent parfois des phobies scolaires.


Un travail de re-parentalité

Un travail de re-parentalité

Une aide extérieure d'un professionnel est souvent d'un secours bénéfique pour l'enfant, mais une prise en charge de la famille est demandée, les entraves de l'enfant n'étant que le reflet de la pathologie des parents.

Une aide systémique devrait servir à comprendre le comportement des parents souvent à bout de force, car l'enfant est repoussé de toutes parts même au sein de la famille proche où plus personne ne le supporte. Sous prétexte de lui épargner la conflictualité, l'enfant-roi est abandonné à lui-même, ce qui l'empêche souvent de grandir.

L'assistante maternelle qui accueille cette famille doit se positionner et trouver sa place de professionnelle pour guider ces parents en difficulté, même s'ils n'en sont pas vraiment conscients. Elle devra effectuer un travail de "re-parentalité" pour que chacun admette sa place.

Beaucoup de délicatesse et de temps lui seront nécessaires afin que cette famille se sente en sécurité affective.

Chaque parent a la réponse en lui pour réinventer un mode d'éducation plus constructif. Le métier de parents est principalement basé sur un équilibre à trouver entre frustrations, interdits et autorisation.

L'enfant roi

Sources : Techniques professionnelles / Accueillir et accompagner une famille d'un "enfant-roi" de Martine Mesnil-Richard